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Les chroniques de la Grande Guerre : l'année 1918 Paragraphe Paragraphe niveau 2 Titre L'année 1918 Corps L'année 1918 marque la fin de la guerre. TItre Janvier 1918 Corps Pour la quatrième année depuis le début du conflit, les autorités informent qu’elles ne recevront pas à l’occasion du Jour de l’An.Ému par les dures conditions des trieuses de charbon, Émile Marcesche convainc les patrons du Morbihan de créer une caisse de compensation, première caisse d’allocations familiales en France.Parmi les "quatorze points de Wilson", nom donné au programme du traité de paix du président des États-Unis, Woodrow Wilson, l’opinion publique retient la "restitution de l’Alsace et de la Lorraine à la France libérée", la réduction de l’armement et la création de la Société des Nations.AffairesL’ancien président du Conseil, Joseph Caillaux, est poursuivi pour "espionnage et trahison". Son domicile est perquisitionné au début du mois et l’élu est arrêté et écroué à la Santé fin janvier. Dans cette affaire, il n’est pas seul à avoir des démêlés avec la justice car le député landais Loustalot et l’ancien avocat, Paul Comby, sont arrêtés et rejoignent également la Santé. Enfin, pour se disculper des accusations lancées contre lui, Louis Malvy en appelle au jugement du Sénat et doit passer en Haute Cour de justice. Annonce dans "Le Journal" de l’arrestation de Joseph Caillaux, © Gallica.bnf.fr AgricultureLes céréales - blés, seigle, avoine, méteil, maïs, sarrasin, sorgho et orge - étant indispensables à l’alimentation, les stocks et leur circulation sont de plus en plus contrôlés : les agriculteurs doivent en déclarer leurs quantités auprès de la commission communale. En contrepartie, ils ne seront pas réquisitionnés des céréales nécessaires à leurs besoins familiaux (18 kg par homme, 15 pour une femme et 9 pour un enfant), à l’ensemencement de leurs champs (pour le blé par exemple, 160 kg par hectare) ou à la nourriture de leurs animaux (225 kg de maïs par mois par porc par exemple). Par ailleurs, elles ne peuvent circuler qu’avec une autorisation de la mairie si la route est empruntée ou de la préfecture lorsque les chemins de fer ou les canaux sont utilisés.RestrictionsLes quantités de charbon reçues par les communes sont encore réduites. Aussi les distributions sont-elles limitées et le gaz commence à manquer : à Auch, le maire demande à la population de restreindre sa consommation "au strict nécessaire" et envisage la fermeture de l’usine ce qui est déjà le cas de Foix. Pour éviter cette éventualité, Condom décide de limiter la distribution de gaz de 6 à 8 h, 10 à 13 h et 17 à 20 h 30. Courrier du préfet de la Haute-Garonne invitant la population à réduire sa consommation de gaz et d’électricité, © Archives départementales de la Haute-Garonne BA BF 99 1918 Le préfet de la Haute-Garonne demande aux municipalités de réduire au maximum l’éclairage public et incite la population et les industriels à faire de même, menaçant de poursuites ceux qui consomment plus que la quantité qui leur a été assignée. Les cafés et les restaurants doivent réduire leur consommation d’électricité de 25, 50 ou 80 % selon qu’ils ont consommé en novembre 2 000 hWh, 6 000 hWh ou 9 000 hWh. Les quelques fraudeurs qui ont procédé à des branchements illégaux sur les câbles passant près de leur logement - s’éclairant ainsi gratuitement -, ont été pris et condamnés sévèrement.Un décret institue un carnet d’essence pour tous les consommateurs mais parce que les stocks sont faibles, ce produit est réservé à l’armée et au service public. Faute d’essence, le cinéma de Gaillac ferme le 5 janvier "jusqu’à nouvel ordre", c’est-à-dire à la fin du mois.La situation du pain est la plus critique : aussi, au début du mois, le ministre du Ravitaillement établit-il de nouvelles règles qui limitent les rations quotidiennes. Une carte de pain est distribuée et les consommateurs sont rangés en trois catégories suivant leur âge, la dépense de la force musculaire dans leur profession ou leurs besoins quotidiens pour les malades et les blessés, soit 600 g de pain quotidien pour les travailleurs des métiers de force de plus de 16 ans et 500 g aux femmes, 400 g aux travailleurs des "petits métiers" et 300 g aux femmes. Les hommes et femmes de plus de 16 ans autres que ceux de ces catégories ont 200 g ainsi que les enfants de 16 ans et moins. La carte de pain est établie dans les communes de plus de 20 000 habitants sans obligation comme c’est le cas à Toulouse qui ne souhaite pas l’appliquer. Distribuée par l’Office communal du pain, elle est individuelle, nominative et intransmissible et des carnets provisoires sont accordés aux personnes qui se déplacent ainsi qu’aux militaires en congés ou permission.Mais parce que les conditions se dégradent - sur les 90 millions de quintaux de blés nécessaires, 50 millions manquent - les préfets enjoignent, à la fin du mois, chacun à réduire sa consommation de 20 %. Aussi, les boulangers diminuent-ils dans les mêmes proportions les prix et le poids des pains passant par exemple ceux de 5 kg à 4 kg.Quant au scaferlatti - tabac finement découpé en lanières -, son prix est fonction des institutions pour lesquelles il est vendu : le "scaferlatti d’hospice" en paquet de 100 g est à 8 F pour les établissements de charité privé, 2,50 F pour les établissements entretenus par l’État, le "scaferlatti de troupe" également appelé "perlot" ou "gris" est également à 2,50 F… Boîte de tabac Scaferlati Levant de la Régie française des Tabacs, coll. particulière Claude Truong-Ngoc, © Wikimedia.org Vie chèreLes Français subissent l’augmentation des prix des produits, des services et des denrées. Aussi, le syndicat des postiers demande-t-il le doublement de l’indemnité de vie chère, à 3 F, et le syndicat de l’arsenal et de la poudrerie menace-t-il les autorités d’une grève s’il n’obtient pas le relèvement des salaires et des retraites, la prise de mesures préventives contre les licenciements et le maintien de salaire dans le cas de réduction d’heures. Par ailleurs, certaines taxes sont relevées comme les droits de succession et de donations ou par exemple les taux sur les bénéfices de guerre qui passent de 50 à 80 %.MunicipalitésLes conséquences du grand froid de janvier sont nombreuses : les accidents se multiplient à cause du verglas, notamment dans le Gers et les boues jonchent encore les rues de Gaillac car "le boueur n’a pu passer à cause du mauvais temps".C’est également le verglas qui a empêché le transport d’une pièce défectueuse d’un des moteurs de l’usine élévatoire de Guilhermy et l’eau manque depuis décembre dans les hauts quartiers toulousains. Lorsque la pièce est arrivée, c’est le gaz oxygène qui, faisant défaut, n’a pas permis avant le 12 janvier la soudure autogène. "Sauf imprévu", la mise en marche du moteur devrait être effective le 23 janvier.À cause de l’état des rues toulousaines verglacées, les charbonniers, ne voulant pas risquer leurs chevaux, ne vont pas chercher le charbon à la gare ou au dépôt des Magasins généraux et les Toulousains se plaignent de ne pas en recevoir. Aussi, la mairie décide-t-elle d’augmenter les quantités de bois à 250 kg par famille à retirer à l’entrepôt Maury. Mais l’affluence est telle qu’après deux jours, la distribution cesse faute de bois. Elle ne reprendra que quatre jours plus tard.C’est enfin le froid qui a causé l’écartement des rails à l’origine de l’accident ferroviaire de Bagnac (Lot) mais seuls les dégâts matériels sont importants.À Toulouse, le manque de nettoyage est dû au service dont le nombre d’agents, 90 en période de paix, est tombé à 55 en 1918 alors que les quantités de gadoues ont augmenté d’un tiers à cause de la présence des réfugiés, des soldats blessés, des malades… Rappelant aux usagers qu’ils doivent verser les ordures dans des caisses métalliques étanches et fermées, la municipalité menace de contrôles fréquents qui "éviteront peut-être le mauvais exemple du quartier de l’Embouchure où des immondices sont déversés". La mairie doit également combattre des incivilités : parce que les Toulousains montent ou descendent en marche des tramways, de nombreux accidents se produisent. Aussi limite-t-elle la vitesse à 18 km/h, vitesse qui doit "être modérée" sur toute la ligne après le coucher du soleil car l’éclairage public est alors réduit. De plus, lorsque le tramway est au complet, les wattmans ne doivent pas "arrêter les voitures pour prendre du monde mais pour en descendre". Enfin, dernière mesure, la société Pons qui gère le réseau, doit remplacer son système de perception par la distribution de tickets à remettre à chaque voyageur en paiement du prix de la place.Bonnes œuvresLe sous-secrétaire d’État au service de la Santé est reçu en grande pompe le 2 janvier à Castelnaudary car il vient fermer l’hôpital auxiliaire n° 12 de la Croix-Rouge. Il remercie les personnes "qui se sont données sans compter" et celles qui, par leur générosité, ont permis à la structure de fonctionner depuis trois ans. À Gaillac, après 40 mois d’exercice, l’hôpital 202, qui compte 25 264 journées d’hospitalisation, ferme également et la direction remercie toutes les autorités et les particuliers pour leurs dons et les nombreux prêts de mobiliers.Ces locaux libérés pourraient servir à accueillir les réfugiés car les besoins sont importants et urgents : l’union des comités des réfugiés français demande la réquisition de logements vides et leur location à des prix raisonnables. TItre Février 1918 Corps Le 6 février, la Grande-Bretagne accorde le droit de vote au suffrage universel aux Anglais de plus de 21 ans. Pour les Anglaises, il est limité à celles âgées de plus de 30 ans qui paient l’impôt sur la propriété ou qui sont diplômées. Il faudra attendre 1944 pour que les Françaises puissent voter.AffairesLe 2 février, le sous-secrétaire d’État à la Santé, Justin Godart, démissionne suite aux attaques de députés nationalistes lui reprochant la nomination par ses services d’un dénommé Paul-Auguste Vacher à la tête de trois hôpitaux militaires de Nice. Ce garçon épicier qui avait usurpé la qualité de médecin-major est resté de longs mois en poste avant d’être démasqué, "au moment où il allait obtenir son quatrième galon".Le procès de Marie-Paul Bolo qui débute le 9 février se termine par la condamnation à mort de Bolo. Le député italien, Fillipo Cavallini, est condamné à mort par contumace et Darius Porchère, homme de confiance de Bolo, à trois ans de prison. Paul Bolo durant son procès, février 1918, Agence Rol, © Gallica.bnf.fr AgricultureLes autorités encouragent les cultures de pommes de terre, haricots, lentilles, choux, navets et topinambours. Elles favorisent celle du blé en achetant la production à 60 F le quintal et en accordant des facilités pour l’échange ou le paiement des blés de semences car "le blé est aussi nécessaire que les munitions". Et pour assurer de meilleurs rendements, les engrais sont, dans la mesure du possible, distribués aux agriculteurs : l’Ariège reçoit 5 000 kg de sulfate d’ammoniaque à 125 F les 100 kg, et 20 000 de scories de déphosphoration à 16,50 F le quintal. Le superphosphate étant produit en grande quantité, aucune limite n’est donnée.Enfin, un service des stocks de la production et de la consommation des céréales est créé au sous-secrétariat du Ravitaillement : la France est alors divisée en circonscriptions agricoles commandées chacune par un contrôleur général chargé de surveiller les surfaces ensemencées, leur moisson et leurs battages.ArméeLa classe 1919 passe en conseil de révision et la journée se déroule traditionnellement. A Villefranche-de-Rouergue elle débute à 8 h par la réunion des futurs poilus au café Les Américains puis par le tour de la ville, la photographie et le déjeuner. L’après-midi c’est le tour des cafés jusqu’à 19 h pour le souper chez M. Alcouffe. La journée se termine à 20 h 30 au café chez M. Sages. Les jeunes reçus à l’examen du certificat de préparation au service militaire pourront choisir leur régiment et, depuis cette année, bénéficieront de 10 jours de permission supplémentaire.Sur la région, le ministre de la Guerre décide de protéger les indispensables usines hydro-électriques. Aussi, interdit-il la circulation sur certaines parties de rives de cours d’eau à Toulouse, Mancioux, Fos, Bagnères-de-Luchon… et de lieux proches de barrages et d’ouvrages hydro-électriques.RestrictionsAprès avoir limité l’alimentation humaine, les autorités restreignent celle des bêtes : par exemple, la ration quotidienne d’avoine pour les chevaux et les mulets est fixée à 2kg.Pour le charbon, les stocks au plus bas et les transports ne permettant pas leur reconstitution, les quantités pour les particuliers sont abaissées à 20 kg par coupon et pour la petite industrie et le commerce réduites de 50 %. En Ariège, seulement 500 tonnes sont allouées pour le mois de mars. Par manque de charbon et, d’après son maire, la population auscitaine n’ayant fait aucun effort pour se restreindre, le gaz n’est plus livré que six heures par jour et l’éclairage est encore réduit. À Foix, la chambre de commerce demande que l’avenue de la gare soit éclairée au moins jusqu’au dernier train.En revanche, grâce à l’arrivée de bateaux d’Amérique, les distributions de pétrole reprennent comme à Foix lorsque la coopérative "La Fuxéenne" en vend à ses 1 200 actionnaires à raison de 4 litres pour chacun. Cependant, nombre d’épiciers de la région en sont encore dépourvus.Le pain est une denrée fortement contrôlée : le préfet du Tarn le limite à 100 g par consommateur si le repas pris dans les restaurants et hôtels coûte plus de 4 F ou 200 g s’il coûte moins ; à Villefranche-de-Rouergue, la ration est de 75 g pour un repas de plus de 6 F. Toulouse interdit aux "indigènes" (Malgaches, Annamites, Africains du Nord) d’en acheter et lorsque la population se plaint de ne pas en trouver, le maire renvoie dos à dos les mécontents car, pour lui, les boulangers et les particuliers sont fautifs, "[les premiers] pour ne pas avoir réduit le poids des pains d’un cinquième, [les seconds] de ne pas avoir réduit [leur] consommation dans les mêmes proportions". La mairie informe également qu’à partir du 27 février elle distribuera les cartes de pain et la ration quotidienne tombera à 300 g.En février, le sucre est remplacé par la saccharine dans les cafés, bars et débits de boissons. Il est supprimé de la pâtisserie, la biscuiterie et la confiserie et pour les fabricants de sirops, de limonades, de cidres et de liqueurs. Aussi, les chambres syndicales de l’épicerie et de la confiserie demandent-elles des dérogations au ministre du Ravitaillement pour écouler leurs réserves et les pâtissiers se retournent-ils vers l’État pour obtenir des compensations. Parce que la quantité distribuée par personne diminue, certains trichent car ils déclarent un nombre de membres de famille supérieur à la réalité : ils risquent après enquête d’être privés de sucre pendant une année.La liste des restrictions s’allonge avec le beurre, le lait frais et le lait condensé qui sont fortement limités dans les hôtels et restaurants ainsi que les fromages mous et les crèmes (Chantilly, petit Suisse, d’Isigny…).Bonnes œuvresLa "Ligue française" constate l’évolution du rôle des marraines de guerre. À l’origine elles apportaient un réconfort moral, généralement par échange épistolaire, au poilu. Chacun voulut sa marraine pour correspondre, pour les colis, mais aussi "pour flirter un peu". De véritables agences de "marrainage" se sont ensuite développées dans certains journaux. Si quelques marraines sont devenues les fiancées et plus tard les femmes des poilus, certains militaires ont poursuivi l’objectif de passer une agréable soirée lors d’une permission. Brevet de marraines de guerre, 1916, © cheminsdememoire.gouv.fr TransportDans l’Ariège, en gare de Mirepoix, les négociants en fourrages se plaignent du manque de wagons : ils ne peuvent pas envoyer dans l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées-Orientales les balles alors que la demande est forte. Pour les petites distances, pour pallier le problème de transport dans ce département, on réquisitionne les attelages de bœufs. À Toulouse, le syndicat général du commerce et de l’industrie propose de libérer des wagons utilisés pour la Poudrerie en faisant circuler les produits qu’elle attend par voie navigable, canal et Garonne.Vie chèreEn raison de la vie chère, les vols et les fraudes se multiplient, vol d’un bidon de 8 l de lait à Auch, d’une barrique de 235 l de vin, de colis dans une gare, de cochons à Auzits, d’un veau égorgé, dépouillé et débité sur place près de Gaillac, fraude de 20 l d’eau de vie...Tout augmente : les coiffeurs de Gaillac portent la taille de la barbe à 0,25 F et celle des cheveux à 0,40 F, les plâtriers obtiennent que l’heure de travail soit portée à 1 F et, "en raison de la hausse des alcools", les limonadiers toulousains relèvent les prix de toutes les consommations de 10 cts, apéritifs, bière mais aussi limonade et café. Ils annoncent la facturation des verres ou bouteilles cassés.Considérant le coût de la vie, le syndicat de l’arsenal et cartoucherie demande de meilleurs salaires, une indemnité de vie chère appliquée à tous, le minimum des retraites à 1 000 F pour les femmes et 1 200 pour les hommes. Il proteste contre les amendes parfois abusives comme celle infligée à une ouvrière pour avoir mis un chiffon sale dans un poêle au feu alors qu’il n’y a aucune interdiction, amendes qui peuvent s’élever "parfois jusqu’à 40 F pour une futilité". Il dénonce le remplacement de main-d’œuvre féminine par des annamites, malgaches etc…Enfin, pour combattre la cherté de la vie, les villes s’organisent, les unes en opérant de gros achats de denrées qu’elles distribuent ensuite aux habitants, les autres en créant des coopératives et d’autres encore en réglementant les prix et en confisquant les marchandises vendues plus cher que le prix officiel. TItre Mars 1918 Corps le 3 mars, les Allemands représentant les Empires centraux signent avec les Russes le traité de paix de Brest-Litovsk qui met fin au conflit.En France, Paris est bombardé par la "Grosse Bertha", nom donné par les Français aux sept canons allemands, les "Pariser Kanonen" de très longue portée, plus de 100 km. Dans la nuit du 9 au 10 mars, pour économiser l’énergie, le pays passe à l’heure d’été : les directeurs d’école sont autorisés à conserver l’ancien horaire jusqu’au 19 mars, début des vacances de Pâques. Enfin, le général Foch est nommé à la fin du mois, généralissime, commandant-en-chef du front de l'Ouest. La « Grosse Bertha », © Wikipedia.org AffairesComment une mine de l’Aveyron extrayant en 1917 onze mille tonnes de houille en expédie-t-elle dix-huit mille ? Il suffit que la société des mines de Saint-Georges-de-Luzençon achète à un industriel local 7 000 tonnes de déchets et de pierres à raison de 5 F la tonne qu’elle mélange au charbon qu’elle vend. Les mécontents sont nombreux et le préfet de l’Aveyron saisit le procureur de la République de Millau.Cette affaire et d’autres rendent l’ambiance anxiogène, nationalement avec l’espionne Suzy Depsy, les pourparlers de paix entre la Roumanie et l’Allemagne, les propos antipatriotiques de plus en plus nombreux, ou localement avec les fausses rumeurs concernant des avions ennemis qui survoleraient la région, les tentatives criminelles qui seraient lancées contre les établissements de guerre ou enfin avec tous les vols quotidiens de bois, de volailles, de légumes, de bicyclettes… Suzy Depsy en première page de « La Rampe », © Gallica.bnf.fr Heureusement, de bonnes nouvelles parviennent comme les deux militaires, le lieutenant Anselme Marchal et l’aviateur Roland Garros qui s’évadent le 15 février d’Allemagne et rejoignent la France en passant par la Hollande et l’Angleterre : le nom de Roland Garros sera donné, entre autres, en 1927, au stade de tennis parisien qui accueille les épreuves de la Coupe Davis. Fonck et Garros vers 1915, Photo de G. Garitan dans « Le Miroir » n° 236, © Wikipedia.org AgricultureLes agriculteurs sont mécontents car le bétail réquisitionné est pris sans qu’ils soient payés ni qu’ils reçoivent une preuve de réquisition sous forme de bon ou autre. Ce procédé est appelé "achat à caisse ouverte". Mais sans argent ni bête, les paysans ne peuvent pas travailler leurs champs. Quant aux planteurs de tabac, ils menacent l’État de ne pas en cultiver l’an prochain si le prix d’achat, de 280 F les 100 kg, n’est pas augmenté.Par ailleurs, des sociétés d’agriculture envisagent la reconstruction : celle du Lot invite l’œuvre des pépinières nationales à présenter ses missions, création de "jardin potager du front" et construction de pépinières d’arbres fruitiers pour la restauration de vergers détruits au nord. Le Touring Club de France lance une souscription pour envoyer des légumes aux poilus et pour reboiser les champs de bataille. Cette association et celle des Écrivains Combattants seront à l’origine de la création en 1931 de la "Forêt des Écrivains Combattants" située à Combes, en Occitanie.RestrictionsConformément à la législation, les pâtisseries et les biscuiteries sont fermées depuis le 1er mars et il est interdit de fabriquer ou de vendre d’autres chocolats que celui de qualité courante.Les quantités de charbon reçues sont toujours aussi faibles comme le constate Villefranche-de-Rouergue : sur 194 tonnes promises en février, seulement 60 sont parvenues. La municipalité ne peut que conseiller de fermer ou ralentir le feu lors des belles journées. À Toulouse, les stocks étant au plus bas, la distribution n’est faite qu’aux personnes qui ne sont pas abonnées au gaz et le coupon ne représente plus que 10 kg.Pour le pain, parce que les quantités distribuées diminuent, la fraude et le mécontentement augmentent. Dans le premier cas, les fausses déclarations se multiplient : comme un haut fonctionnaire toulousain qui a déclaré quatre personnes au lieu de trois, certains ménages surévaluent leur nombre sur la carte de pain. Dans le deuxième cas, les Toulousains manifestent et "quelques innocentes devantures" ont reçu de "très légères secousses". Aussi, le ministre du Ravitaillement augmente-t-il les rations de pain de 100 et 200 g pour les ouvriers et les travailleurs de force, et le maire de Toulouse alloue-t-il un supplément de 100 g de pain aux femmes enceintes et aux malades, aux ouvriers agricoles, aux ouvriers de force et aux familles nécessiteuses. Villefranche-de-Rouergue rend obligatoire la carte de pain et décide que la ration minimale quotidienne sera portée à 400 g grâce à l’ajout de pommes de terre à la pâte de pain, "mélange qui a donné de bons résultats".Pourtant, les pommes de terre sont toujours aussi rares : Rodez en met en vente quelques quintaux, limitant la quantité à 10 kg par ménage et, pour mettre fin aux abus et à la spéculation, le préfet de l’Ariège règlemente leur prix à 18 F les 100 kg et celui des haricots à 160 F les 100 kg. Les habitants de Saint-Gaudens se plaignent de payer le kilo de pommes de terre à 0,45 F alors qu’il est à Toulouse à 0,35 F.Des mesures sont également prises pour l’essence, distribuée à Albi en exclusivité à ceux qui n’ont ni gaz ni électricité. Dans quelques points de la région, la situation semble s’améliorer à l’exemple de la société des transports économiques départementaux de la Haute-Garonne qui annonce la reprise de quelques-uns de ses services de transport interrompus faute de carburant. Dans d’autres points ce n’est pas le cas et les habitants de Condom se plaignent de ne pas avoir de pétrole alors que la ville en aurait reçu, selon la rumeur, "une quantité assez importante".MunicipalitésPour pallier le manque de main d’œuvre, le maire de Gaillac décide de faire appel à un entrepreneur privé pour l’enlèvement des boues et immondices. Il rappelle à la population qu’il est interdit de détourner les eaux des fontaines à des fins industrielles ou d’en arrêter le cours, de puiser l’eau des bassins ou des abreuvoirs et d’y laver ou mettre à tremper le linge et, enfin, de dégrader les fontaines ou bornes fontaines de la ville.À Toulouse, la distribution d’eau pâtît de la baisse persistante du niveau de la Garonne et des besoins de plus en plus grands de la population. Aussi la municipalité conseille-t-elle de faire des réserves de 5 h à 10 h. La ville remplace des milliers de bons municipaux de 5 et 10 cts qui servent à la petite monnaie car les précédents sont usagés et subit les doléances du syndicat de l’industrie du bois qui regrette qu’elle n’ait pas fait appel à lui pour la vente des quantités importantes de bois du Ramier et qu’elle perde ainsi le produit de l’adjudication.Enfin, un maire de la Haute-Garonne est suspendu de ses fonctions par le ministre de l’Intérieur car il a refusé de recevoir dans sa commune cinq rapatriés qui lui avaient été assignés : il les a refoulés dans la nuit froide.Vie chèreLe syndicat des limonadiers invoquant "l’énorme augmentation des marchandises et du matériel qui atteignent des prix dépassant toute prévision", relève à nouveau ses tarifs. Pour les mêmes raisons, le syndicat des ouvriers et ouvrières de l’habillement militaire menace de se mettre en grève si leurs salaires ne sont pas améliorés. Les employés de commerce, d’industrie et des banques demandent en plus les deux heures de repas pour midi et un congé annuel et payé de huit jours.Les cheminots obtiennent 3 F par jour d’indemnité de vie chère pour un salaire inférieur à 3 600 F, 2,50 F pour des salaires de 3 600 à 6 000 F et une prime de 100 F pour un premier et pour un deuxième enfant, 200 F pour chaque enfant suivant. TItre Avril 1918 Corps Le 2 avril, le négociateur austro-hongrois Ottokar Czernin révèle que de mars à mai 1917 des discussions secrètes portant sur la paix ont eu lieu entre la France et l’Autriche-Hongrie, ce qui mécontente leurs alliés respectifs. Ottokar Czernin démissionne le 14 avril. Comte Ottokar Czernin ayant mené des négociations secrètes avec la France, © Wikipedia.org En avril 1918 le Guatemala déclare la guerre à l’Allemagne.En France, le 14 avril, le général Ferdinand Foch est nommé commandant en chef des armées alliées, "généralissime".AffairesUn scandale éclate à la prison de la Santé : la femme du détenu Joseph Caillaux, profitant de la porte de sa cellule ouverte, lui a fait part de la déposition qu’elle venait de faire ce qui vaut son poste au directeur de l’établissement. Quelques jours plus tard, on apprend que monsieur Caillaux téléphone fréquemment de sa cellule à monsieur Delanney chef administratif des prisons de la Seine.Régionalement, une enquête est ouverte à Revel suite à un "sabotage criminel" : des malfaiteurs se sont introduits au dépôt des machines de la Compagnie ferroviaire du Sud-Ouest et ont saboté un fourgon de marchandises. Puis ils ont garni de charbon le foyer d’une locomotive et l’ont lancée sur la voie. Le mécanicien l’a retrouvée à 4 km du dépôt, près du pont du Lodot.AgriculturePour pouvoir travailler leurs terres et pour vendre à meilleur prix, beaucoup d’éleveurs cherchent à soustraire leurs bêtes des réquisitions. Aussi le gouvernement qui a augmenté les prix d’achat menace-t-il de décréter la réquisition générale du bétail. Dans un premier temps, il renforce seulement les contrôles.ArméeLe ministre de la Marine, souhaitant intensifier la production de la pêche côtière, décide d’accorder des sursis aux pêcheurs des classes 1888 à 1890.Celui de la Guerre décrète l’état de siège à partir du 15 mai dans les arrondissements du littoral notamment à Céret, Narbonne, Béziers et Montpellier où l’autorité militaire pourra réquisitionner la gendarmerie et toutes les forces de police, celles chargées de la circulation, des étrangers, des débits de boissons et de la répression de la prostitution. La circulation des Français et des étrangers est alors fortement réglementée.L’armée informe par ailleurs toutes les familles des militaires inhumés, qu’elle leur adressera, au fur et à mesure des possibilités, le relevé du plan des tombes des leurs tel qu’il a été établi par les officiers de secteurs. Et elle confirme enfin que le domicile d’un poilu étant considéré inviolable, la famille qui l’occupe ne peut pas en être expulsée. Relevé de la tombe d’Alfred Mayssonié en septembre 1914, © Dessin paru dans : Paul Voivenel, "Avec la 67e division de réserve". RestrictionsPar manque de charbon, les sociétés de gaz rationnent le plus souvent leurs abonnés comme à Saint-Gaudens ou parfois cessent leurs activités comme à Condom. À Gaillac, les distributions de charbon ne se font plus que les lundis, mercredis et vendredis.Les rations de pain diminuent encore et Villefranche-de-Rouergue ne peut que conseiller aux clients de restaurants et d’hôtels de porter le leur.Les distributions de pommes de terre sont limitées à 2 kg pour une famille de trois personnes et 3 kg pour les autres, tout acheteur devant présenter son carnet de pain familial pour en percevoir. Dans l’Aude, le préfet annonce l’arrivée de seulement 500 tonnes pour le département, vendues 28 F les 100 kg. 10 000 kg de pommes de terre sont attribués à Auch, © Archives départementales du Gers. Le ministre du Ravitaillement, pour fournir de la viande fraîche aux armées française et américaine, interdit sa vente et sa consommation les mercredis, jeudis et vendredis, les boucheries, charcuteries et triperies devant être fermées ces jours. Ces mesures ne s’appliquent pas, sur décision du préfet, aux cantines des usines, aux établissements industriels et aux malades.Quant au prix de la "chaussure nationale", il augmente, de 28 à 30 F pour, par exemple, le modèle homme. Selon la rumeur, un nouveau type de "chaussure nationale" serait meilleur marché parce qu’on emploierait les cuirs des chaussures usagées provenant du front. Mais l’armée dément cette information et précise qu’elle utilise les vieilles chaussures revenant du front soit pour les réparer soit pour employer des éléments à la confection d’autres chaussures militaires et ce sont les ateliers des blessés des hôpitaux parisiens qui exécutent ces travaux.Carte d’alimentationL’institution de la carte individuelle d’Alimentation et des Tickets de consommation répond, d’après le gouvernement, "à l’idée d’égalité devant les restrictions".La carte individuelle d’alimentation comporte deux parties, la première renseigne sur l’identité de la personne. La deuxième contient les tickets de consommation, 36 coupons sur lesquels sont portés un numéro, un mois et une lettre. Chaque numéro (de 1 à 6) correspond à une denrée déterminée, le n° 1 étant pour le pain. La lettre majuscule désigne la catégorie de consommateur : E pour enfant de moins de 3 ans, J de 3 à 13 ans, A adulte de 13 à 60 ans, T pour les adultes se livrant à des travaux de force et V pour les plus de 60 ans. Par exemple, "E1 coupon Mai" représente la ration de pain du mois de mai pour un enfant de moins de 3 ans.La distribution de la carte débute à la fin du mois à Gaillac par les habitants demeurant hors de l’octroi puis le lendemain concerne ceux de la ville enfin le troisième jour, le 29 avril, est consacrée aux retardataires. Carte de rationnement, © archives.paris.fr MunicipalitésFaute d’éclairage public et d’agents de police, les Toulousains se plaignent de l’insécurité qui règne la nuit "principalement aux abords de la gare Matabiau". Même les quartiers paisibles sont touchés, sur les boulevards, Saint-Sernin, Saint-Étienne, Pargaminières…Les communes déplorent les "suppressions de trains par suite des nécessités militaires". Les lignes principales telles Toulouse-Foix, Toulouse-Tarbes… sont touchées et l’annulation du premier train sur Castelnaudary-Castres entraîne l’absence du courrier pour cinquante villages, trois jours par semaine. Conséquence de ces suppressions, le nombre de lignes secondaires touchées augmente significativement et fait de nombreux mécontents.Par ailleurs, le conseil général de l’Ariège conteste la prise en charge des soldats mis en asile par décision préfectorale : le conseiller Pérès fait remarquer que ces militaires étaient sains d’esprit le jour de leur incorporation et qu’ils ont été "atteints d’aliénation mentale" lors de leur passage au front. Il demande que l’État prenne en charge les frais supportés par les familles ou à défaut par le département.Les réfugiésEn avril, "par suite de l’avance des armées allemandes", le nombre de réfugiés arrivant dans la région est important comme le 13 avec 12 hommes, 40 femmes, 4 jeunes filles et 39 enfants originaires de la Somme. À Rabastens, ils sont 22 et à Villefranche-de-Rouergue 150 provenant du Pas-de-Calais. Quelques jours plus tard "un nombre important de réfugiés" arrive à Foix et les œuvres demandent aux employeurs de faire connaître leurs besoins auprès de la préfecture. Le 24 des Français du nord et des Belges sont accueillis dans l’Aude, 300 à Carcassonne, dans l’Ariège dont 77 à Saint-Lizier… À Auch le nombre du groupe reçu est "plus important que les précédents".TaxesL’État a créé une nouvelle taxe appliquée depuis le 2 avril, qui porte sur tous les paiements écrits civils (salaires, créances, loyers…) ou commerciaux (entre commerçants) - 0,20 F par tranche de 100 F - ou concernant des dépenses de luxe, de 10 %. Le recouvrement de cet impôt acquitté au moyen de timbres spéciaux interroge le président des marchands tailleurs de Toulouse qui, dans une lettre ouverte adressée au ministre des Finances, demande comment doivent faire les commerçants qui voyagent ? Comment répondre à un client qui rapporte la marchandise et doit-il se faire rembourser la taxe ? Comment encore les timbres doivent-ils être apposés lors de paiement par traites ?La réaction du syndicat des limonadiers de Toulouse est plus vive car il organise le 19 avril une grande réunion de protestation contre les nouveaux droits et taxes et les mesures gouvernementales qui restreignent leurs activités : il envisage la fermeture générale des hôtels, cafés, restaurants et débits de boissons. TItre Mai 1918 Corps Comme chaque année depuis le début du conflit, le 1er mai n’est plus célébré que par des réunions et les syndicats appellent à ne pas chômer ce jour-là.Le 13 mai, le clairon Alfred Parens, soldat du 59e R. I. ariégeois, est cité à l’ordre du régiment : lors d’une attaque allemande, son escouade étant dans l’impossibilité de communiquer avec l’artillerie, Alfred Parens décide de sortir de la tranchée et sonne vers ses lignes "Commencez le feu". Une balle l’atteint mortellement alors que l’artillerie française répond par un tir de barrage. Pamiers, cathédrale Saint-Antonin, détail du tableau dédié au clairon Parens, © Région Occitanie ArméeLes autorités ayant constaté de nombreuses fraudes en matière de recrutement depuis le début du conflit (substitution de livret, usurpation de l’état-civil…) décident d’un nouveau modèle de livret individuel : de format 10,5 cm par 15,5, il comprend une couverture, un feuillet d’identité avec description de la personne, sa photographie et ses empreintes digitales et un fascicule destiné à recevoir les inscriptions concernant les citations, les séjours hospitaliers… En conséquence, comme à Foix, les autorités avisent les photographes locaux de l’adjudication prochaine d’un marché pour la réalisation de photographies de militaires.Cartes d’alimentation6 000 cartes d’alimentation vont être distribuées à Saint-Girons, 210 000 cartes et 1 200 000 séries de tickets de pain à Toulouse… Face à l’importance de l’opération, les fraudes se multiplient : fausses déclarations sur le nombre de personnes qui composent le ménage ou personnes qui se font inscrire dans plusieurs communes à la fois. Parfois, les cartes ou les coupons sont falsifiés, contrefaits, des personnes utilisent des tickets qui sont à d’autres, des commerçants refusent des ventes ou les subordonnent à d’autres marchandises… Pour éviter d’autres fraudes, Pamiers décide que les déclarations de décès devront être accompagnées de la carte d’alimentation et des tickets du défunt : le permis d’inhumer n’est délivré qu’à cette condition.RestrictionsLes services de l’Agriculture diminuent les rations des bêtes et conseillent par exemple pour les chiens de bergers de mélanger 50% de pommes de terre cuites à 50% de mouture de blé ou d’orge. Selon leurs calculs, la valeur alimentaire étant de 382 calories par 100 g, 350 à 400 g de cette nourriture recouvre les besoins quotidiens d’un chien de 20 kg.Les personnes sont également concernées car les restrictions touchent encore une fois les repas pris dans les hôtels et les restaurants : or le potage, le hors-d’œuvre et le dessert, le nombre de plats est limité à deux et il est défendu de servir du sucre et du fromage sauf les jours ou la viande est interdite.C’est que les quantités reçues sont toujours plus faibles : pour le charbon, le coupon toulousain ne représente plus que 10 kg. Affiche imposant des restrictions dans les repas, © 87dit.canalblog.com Quant à la viande, elle fait l’objet en mai de mesures particulières : le ministre du Ravitaillement interdit sa consommation, sa vente et son transport, à partir du 14 mai, les mercredi, jeudi et vendredi et il en limite la consommation le mardi à 200 g par personne. Ce jour-là, les hôtels et les restaurants ne peuvent en proposer que 100 g par repas et par consommateur. De plus, le ministre crée une taxe sur la viande vive et une autre sur la viande abattue en demandant aux municipalités de faire de même lors de la vente chez les détaillants. En réponse à ces mesures, les bouchers de Condom appellent à la grève mais la municipalité menaçant de créer une boucherie municipale, le mouvement n’aboutit pas. Pour les malades, des médecins désignés par les autorités délivrent des bons spéciaux qui leur permettront d’avoir de la viande les jours où elle est interdite.Quant à l’essence, Toulouse n’en distribue qu’½ litre à chaque famille, ou 1 litre de pétrole. Mais dans les territoires ruraux comme près de Tarascon-sur-Ariège, il n’y a plus ni d’essence, ni de pétrole, ni d’électricité depuis des mois.Pour le gaz, les entreprises, comme la société Gaz et Électricité toulousaine, réduisent encore les horaires de distribution et le préfet décide d’en interdire l’usage à partir de 21 h dans les cafés et les débits de boissons. C’est par manque de gaz que les machines de linotypie et de clicherie sont arrêtées le 24 mai et que la presse quotidienne ne paraît qu’en partie.C’est encore la ration de sucre qui est réduite. Seules les personnes âgées et les malades peuvent percevoir 250 g de plus sur présentation pour les premières d’un certificat du maire et les secondes d’une attestation du médecin mais à condition qu’il y ait du sucre car, comme les habitants de Villefranche-de-Rouergue, nombreux sont ceux qui n’ont pas reçu celui d’avril.Pour calmer les fumeurs, on envisage de généraliser la carte de tabac déjà utilisée dans certaines villes : chaque consommateur pourra à tour de rôle percevoir sa ration. Le problème n’est pas le manque de tabac mais les difficultés d’approvisionnement et de transport. 32 Auch, demande de supplément de pain d’une ménagère, © Archives départementales du Gers MunicipalitésLe maire de Revel peste contre l’administration préfectorale car "à cause de l’indifférente lenteur administrative", 500 quintaux de pommes de terre mis à la disposition de la ville sont perdus : le bon pour livrer cette denrée n’est toujours pas parvenu 33 jours après son paiement !À Tarascon-sur-Ariège, la municipalité incite les habitants à faire pousser dans tous les jardins et les champs, des choux, carottes, navets, poireaux, salades et pommes de terre et à cultiver une vigne même si le vin obtenu est qualifié de "clairet".La population toulousaine gronde car les travaux de l’hôpital suburbain de Purpan sont encore en suspens alors que cet établissement "pourrait rendre de grands services", alors "qu’aujourd’hui une grande partie des hôpitaux du front est évacuée et alors qu’on sera peut-être obligé de recourir aux établissements publics actuels pour créer de nouveaux hôpitaux et que nos blessés sont encore logés dans d’inconfortables baraquements de fortune", en bois.Dans cette ville, un nouveau sujet fait polémique : parce qu’une lézarde menacerait l’existence même du dôme de La Grave, dans son rapport l’architecte Pendariès propose de le détruire. L’Académie des sciences inscriptions et belles-lettres rappelle que, conséquence de l’inondation de 1875, ce désordre est vieux de 42 ans et qu’il faudrait envisager de consolider le dôme, le restaurer plutôt que de vouloir le détruire.Enfin, c’est en mai, à côté de Toulouse, dans le "champ d’aviation de Montaudran", que sont réalisés les essais des premiers aéroplanes de guerre construits dans les usines Latécoère.Vie chèreLes affaires concernant le non-respect des prix réglementés sont de plus en plus nombreuses et "les audiences correctionnelles commencent à être fort chargées". Aussi, les autorités tentent-elles de répondre au problème : à Saint-Girons, la société de gaz et d’électricité alloue une indemnité de cherté de vie de 20 F par mois pour les femmes receveuses ou gardes stations et de 25 F par mois pour les hommes de tous les services. Le concessionnaire décide que ces indemnités remplacent les augmentations successives qui avaient été données depuis le début du conflit et il obtient en contrepartie de majorer ses prix de 10%.Lectoure crée une coopérative municipale de boucherie alors que les Luchonnais demandent que la leur propose beaucoup plus de produits.Enfin, le conseil général de l’Aveyron, estimant financièrement ne pas pouvoir augmenter ses cantonniers leur accorde quatre mois de congés au lieu de deux "pendant lesquels ils pourront se livrer à d’autres travaux rémunérateurs".Conséquence de la vie chère, dans nombre de villes, les plus robustes sont parfois les premiers servis, à la boulangerie ou lors de distributions ! TItre Juin 1918 Corps Le 6 juin Louis Franchet d’Espèrey est nommé commandant en chef du front de Salonique par Georges Clémenceau. Il sera élevé à la dignité de maréchal de France le 19 février 1921. Louis Félix François Franchet d’Espèrey (1874-1947), © Gallica.bnf.fr Les armées britannique et américaine recrutent dans la région : la première embauche des manœuvres et des mécaniciens pour un chantier qui se trouve dans la banlieue toulousaine et la deuxième recherche, "pour une destination inconnue", des terrassiers, charpentiers, menuisiers et maçons payés, logés et nourris qui toucheront une prime de 30 F à la fin de leur contrat de trois mois.AffairesLa Joconde avait été volée en 1912 par l’italien Vicenzo Perrugia, ouvrier vitrier au musée du Louvre. L’antiquaire florentin Alfredo Geri qui l’avait dénoncé en décembre 1913, demande en ce mois de juin au gouvernement français de lui verser une prime "correspondant à la valeur du portrait", et, en attendant de fixer son montant, exige une provision de 100 000 F.En juin, les autorités françaises décident que les biens des personnes condamnées pour espionnage seront dorénavant confisqués au profit de la nation. Et, dans la région, deux maires ariégeois sont suspendus un mois car ils ont délivré à tort des tickets de pain et ont négligé la tenue d’un registre.AgricultureL’agriculture étant indispensable à la guerre, l’État intervient à tous les niveaux : il demande aux agriculteurs de déclarer leur cheptel, les cultures de céréales et de pommes de terre et de faire état des surfaces ensemencées, avant le 30 juin "sous peine de poursuites". Il contrôle les déclarations ce qui permet aux agents du Ravitaillement de découvrir, dans les environs de Foix, 98 quintaux de blé. Pour faciliter le travail des contrôleurs, les entrepreneurs de battage doivent tenir un carnet mentionnant jour après jour leur activité. L’État, seul acheteur et seul vendeur, fixe les prix : le blé ou le froment est payé 75 F les 100 kg, l’avoine, l’orge, le maïs, le seigle le sarrasin 55 F, le méteil 62 F, le sorgho 50 F, les fèves 68 F et le millet blanc 75 F.Il intervient dans la distribution des semences, comme le 20 juin en Ariège où 100 quintaux de maïs sont vendus 44,70 F le quintal, et dans la main-d’œuvre : le ministre de l’Armement et des fabrications de guerre décide, pour le temps des fenaisons et de la moisson, d’y affecter jusqu’au 15 août, une partie de la classe 1892 actuellement répartie dans les usines de guerre. Enfin, l’État demande aux maires de recenser les terres et les fermes abandonnées.RestrictionsComme celui du Tarn, en prévision du prochain hiver, les préfets demandent aux maires de faire des provisions de charbon sur les faibles quantités qu’ils ont reçues et d’inciter les consommateurs à utiliser plutôt le bois.Pour le pain, la ration tombe certains jours à 150 g à Mazères et "d’autres jours elle fait défaut". Conscient du problème, le ministre du Ravitaillement intervient en faveur des plus faibles, les mères de quatre enfants et plus reçoivent un supplément de 100 g, et quelques maires comme celui de Fleurance ajoutent des rations aux femmes enceintes, à celles allaitant et aux hommes qui se livrent uniquement aux travaux des champs. Ordonnance du docteur Mir demandant un supplément de pain pour madame Bedout, © Archives départementales du Gers Comme le pétrole et l’essence sont de plus en plus rares, seules les familles n’ayant ni gaz ni électricité sont prioritaires et pour le sucre, il est petit à petit remplacé par la saccharine. Elle est livrée sous forme de comprimés de 1 g dans les pharmacies au prix de 0,35 F. Le sucre ainsi économisé peut servir à la confection de confitures.Les pommes de terre sont toujours aussi rares et lorsque Gaillac informe de l’acquisition de 10 000 kg et d’autant de riz, les habitants sont heureux de pouvoir en acheter au prix réglementé de 0,90 F.Vêtement nationalAprès le "drap national", la "chaussure nationale", on annonce le "vêtement national" qui sera réservé au début aux réfugiés, aux réformés rendus à la vie civile et aux "autres personnes dignes d’intérêt".MunicipalitésDe nombreuses villes ont subi depuis le début du conflit une augmentation importante de leur population : Toulouse est passée de 150 000 habitants en 1914 à 220 000 environ en 1918 et Montpellier de 72 500 à 82 000. À Tarbes, de 29 000 on est à 42 000 habitants car l’Arsenal s’est développé et occupe 16 000 ouvriers. Mais le plus souvent, c’est la venue de réfugiés qui accroit la population : 800 vieillards, femmes et enfants évacués de l’Oise arrivent dans l’Aveyron et un train sanitaire de 300 malades dans la région.Les moratoires de loyers s’étant succédé au cours du conflit, les propriétaires n’en perçoivent plus. Aussi l’État les exonère-il, en totalité ou partiellement, des impôts fonciers, de ceux portant sur les portes et les fenêtres et des taxes assimilées.Les problèmes persistent également dans d’autres domaines : le manque de médecin incite le sous-secrétaire d’État à la Santé à commander à ceux mobilisés de donner gratuitement des soins aux réfugiés. Autre exemple, parce que la population toulousaine a beaucoup augmenté, la distribution de l’eau est difficile et la municipalité la coupe là où elle la juge secondaire, au cimetière de Terre-Cabade, ce qui mécontente les arroseuses chargées de l’entretien des tombes ainsi que les familles qui les sollicitent ou celles qui viennent arroser les fleurs.Les budgets sont de plus en plus difficiles à boucler d’autant que les anciennes dettes sont toujours honorées : Saint-Gaudens procède au remboursement, par tirage au sort, de 35 obligations de l’emprunt communal de 1899. Aussi, Gaillac est-elle heureuse d’obtenir 3 120 F de l’armée même si c’est en raison des dégâts faits par la troupe aux bâtiments communaux.Bonnes œuvresL’œuvre de "la Maison du soldat" met en garde les Toulousains car des individus vendent indûment des cartes postales en son nom.D’autres œuvres se mobilisent pour recevoir les enfants du nord de la France qui, comme leurs parents, subissent les bombardements allemands. Les familles de cheminots de la région accueillent ceux de leurs collègues restés en poste. Elles proposent un prix de pension, généralement modique, et chaque enfant arrive accompagné d’un certificat médical.Autre initiative, le conseil général du Lot subventionne une œuvre locale qui a recueilli 500 jeunes. Même les familles espagnoles de Barcelone se proposent pour recevoir chez elles une "cinquantaine de petits Parisiens dès que la frontière sera ouverte". Quant à l’office départemental des pupilles de la nation, il informe que sur plus de 2 000 demandes d’adoption, 200 ont été prononcées.Enfin, la sécurité étant omniprésente, les hôteliers ou les particuliers ayant reçu à la suite de ces événements des habitants du nord, sont tenus d’indiquer leurs identités.Vie chèreEn réponse à la vie chère, Condom met en place un comité d’arrondissement de ravitaillement qui, centralisant les demandes des maires, doit faciliter les livraisons dans le but d’atténuer "la surenchère sur les marchés pour le plus grand profit des producteurs et des marchands qui ne respectent pas les prix réglementés".À Toulouse, la municipalité relève d’un tiers les salaires du premier secrétaire de mairie, du receveur municipal et du chef de l’octroi et d’un franc par jour ceux des autres agents.Mais c’est généralement grâce au mouvement syndical que les salaires augmentent : le syndicat de l’arsenal et de la cartoucherie demande le relèvement de ceux bien faibles des gardiennes de crèche et de l’ensemble des agents. Il remercie par ailleurs le ministre d’avoir refusé le licenciement des ouvriers de l’entreprise et il souhaite un service médical de qualité car quatre médecins seulement "assurent avec grande difficulté un service pour 15 000 personnes". Distribution supplémentaire de sucre à Auch, © Archives départementales du Gers TItre Juillet 1918 Corps Les 16 et 17 juillet, Nicolas II, tsar de Russie, et la famille impériale sont exécutés par les bolcheviks. Famille impériale de Russie en 1914, © wikipedia.org La contre-offensive alliée appelée "seconde bataille de la Marne" répond à l’attaque allemande du 15 juillet en Champagne. Les Allemands se replient au nord de la Marne.Le 17 juillet, Raoul Villain, l’assassin de Jean Jaurès demande, après 1 800 jours de détention, d’être traduit devant le jury ou d’être remis en liberté provisoire et envoyé au front.14 JuilletEn raison du faible nombre de soldats dans les dépôts, le gouvernement décide qu’il n’y aura qu’une simple prise d’armes le 14 juillet avec remise de décorations : comme à Villefranche-de-Rouergue, Foix, Montpellier… nombreuses sont les villes qui pavoisent leurs rues et leurs édifices.À Toulouse l’ordinaire des hôpitaux militaires et des fourneaux économiques est amélioré et des concerts sont donnés au bénéfice de l’œuvre des orphelins.ArméeLe statut des femmes employées dans l’armée évolue : en cas de réduction d’effectif, "à mérite égal", elles sont licenciées les dernières, comme les parents de militaires tués, disparus, retraités ou réformés. Les avantages aux femmes en couches sont étendus à trois mois et le congé annuel de 8 jours "peut être augmenté à 15 jours" à condition qu’il n’y ait ni augmentation de personnel ni heures supplémentaires.Pour les civils, blessés ou mutilés de la guerre, le ministre de l’Intérieur crée un insigne spécial constitué par un ruban composé d’une bande jaune avec une étoile blanche à cinq branches, le tout encadré de deux bandes bleues avec lisière bleue et jaune. Insigne des blessés civils, © wikimedia.org Cartes d’alimentationDe nombreuses cartes d’alimentation sont déclarées "perdues". Leurs propriétaires espèrent, en recevant les nouvelles, avoir ainsi des rations supplémentaires. Aussi, la municipalité toulousaine, rappelle-t-elle que, comme l’exige la loi, une enquête de police est diligentée après chaque déclaration de perte et, pendant ce temps, l’impétrant n’a que 200 g de pain par jour. Demande de madame Sallefranque pour recevoir du riz et des pâtes alimentaires, © Archives départementales du Gers RestrictionsLa faible quantité de charbon reçue à Gaillac, 20 tonnes, représente pour juillet, 5,5 kg par personne. Aussi, le préfet demande-t-il aux particuliers de limiter leurs besoins et aux commerçants de supprimer l’éclairage de leurs vitrines et de fermer plus tôt. Pour déjouer toute fraude, les maigres distributions d’essence (1 l par ménage) ou de pétrole (2 l) se font à Toulouse sur présentation du carnet de charbon et, pour ceux qui n’en possèdent pas, d’une déclaration sur l’honneur.Le pain fait de nombreux mécontents : à Saint-Gaudens "depuis huit jours [il] est immangeable", réalisé avec "du maïs de Cuba", "exécrable, exempt de tout froment" à Villefranche-de-Rouergue. Par ailleurs, il manque depuis huit jours dans quelques communes ariégeoises. Aussi, parce que les mouvements de foules sont fréquents et parfois violents, "un gendarme ou un agent [préside] à la distribution de chaque boulangerie".La crise du papier s’accentuant, l’office national de la presse décide qu’à partir du 1er août, les quotidiens ne paraîtront plus que sur deux pages les lundis, mercredis et vendredis et quatre pages les autres jours.Quant au sucre, son prix est porté à 2,10 F le kg, et le produit de substitution, la saccharine, augmente elle-même de 60 %, le gramme passant à 0,50 F.En revanche, le gouvernement qui a importé de grandes quantités de viande, congelée, décide d’en baisser le prix de 15% et de supprimer, à partir du 20 juillet, les mesures de restriction. Toulouse la distribue à raison de 2 kg par personne et informe qu’en conséquence, le marché au salé reprendra à la place des Carmes les lundis, mercredis et vendredis.MunicipalitésLes communes célèbrent le 4 juillet la fête de l’Indépendance de l’Amérique. À Toulouse, les services de la mairie sont fermés et toutes les réunions qui devaient se tenir ce jour, sont reportées. Un cortège parcourt la ville et les soldats américains rencontrés sont acclamés, certains sont même portés en triomphe, et à Montpellier c’est un grand concert qui est donné à l’Esplanade. Comme ailleurs, Foix pavoise ses maisons aux couleurs américaines ainsi que Villefranche-de-Rouergue où une matinée est organisée à l’hôpital mixte. À Toulouse encore, le maire, Jean Rieux, propose de baptiser la place Lafayette par la "place du Président Wilson". Les relations avec nos alliés sont renforcées et les recrutements d’interprètes organisés.Le comité départemental de la Haute-Garonne inaugure le dispensaire d’hygiène sociale et de préservation antituberculeuse dans des locaux rue Saint-Jacques et annonce d’autres ouvertures dans le département ainsi que l’inauguration d’un sanatorium à Aspet.Par ailleurs, une explosion retentit à Castres : elle s’est produite dans l’entrepôt de "bombes chargées" au Champ de Courses. Ayant détonné successivement, elles ont fait peu de dégâts dans un premier temps. Mais on apprend rapidement que trois victimes sont sorties des décombres.Bonnes œuvresLa Croix-Rose, société de secours franco-belge aidant les jeunes filles chassées de leurs foyers, arrachées à leurs familles à cause de la guerre, propose de recevoir dans une maison de campagne en Ariège, pendant les quatre mois d’été, des "jeunes filles réfugiées, fatiguées et anémiées". Elles doivent être âgées de 14 ans au moins et munies d’un certificat de bonne vie et d’un certificat attestant être en bonne santé et sans maladie contagieuse. Car on apprend les ravages faits par la grippe espagnole qui s’étend en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas et en Suisse.Vie chèreLes nombreux Parisiens réfugiés à Villefranche-de-Rouergue, sont surpris par le coût élevé de la vie et des denrées comme les pommes de terre, les haricots, le riz, les œufs…Les professionnels répercutent généralement les charges auxquelles ils ont à faire face : le syndicat des limonadiers, invoquant la récente taxe de luxe de 20%, annonce une nouvelle augmentation de 20% ainsi que le syndicat des agents généraux d’assurance qui subit la création de nouveaux impôts lors de la dernière loi des finances.Les entrepreneurs du bâtiment prétextent les coûts salariaux élevés car ils ont augmenté les maçons, terrassiers, manœuvres, peintres…Comme les Fuxéens, nombreux sont ceux qui se plaignent de la douzaine d’œufs vendue à 4,50 F ! En réponse, le gouvernement en limite le prix à 3,60 F ! Il décide d’appliquer l’affichage des prix aux hôtels, restaurants, cafés et à tous les établissements qui servent des aliments ou des boissons dans les villes de plus de 3 000 habitants.À Carcassonne les habitants demandent le respect des prix sur les marchés et un meilleur contrôle de la part des agents locaux et à Cahors, la manifestation de plus de 500 habitants est houleuse : ils demandent à la municipalité de créer des magasins municipaux ou des coopératives, ce qui a un coût.Béziers rappelle que la boucherie municipale n’a été créée que parce que monsieur Clavet a prêté 50 000 F à la mairie.Enfin, Nîmes inscrit à son budget une somme de 10 000 F qu’elle réserve aux retraités nécessiteux et aux veuves dans le besoin : les indemnités varient entre 10 et 20 F par mois. TItre Août 1918 Corps Le 2 août 1918 est le 1 462e jour de guerre : il y a quatre ans débutait la Grande Guerre.Entre le 1er août 1914 et le 31 décembre 1918, les dépenses militaires de la France sont évaluées à 147 milliards de francs. Aussi l’épuisement des forces en présence est général et les derniers échecs allemands ouvrent les discussions d’une sortie du conflit : l’empereur d’Autriche souhaite se retirer des hostilités, des offres de paix de l’Allemagne sont faites à l’Amérique, de la Hollande à l’Allemagne…Ferdinand Foch est élevé à la dignité de maréchal de France par le président Raymond Poincaré. Valentine, village de notre région et berceau d’origine de la famille, envoie ses félicitations au nouveau maréchal. Lettre de félicitations de la commune de Valentine au maréchal Foch, © Archives départementales de l’Ariège. ArméeLa solde des soldats passe de 0,25 à 0,50 F, celle des caporaux de 1,42 à 1,75 F. Mais ce supplément est versé, en ce qui concerne les troupes du front, sur des livrets individuels de la Caisse d’Épargne postale. Les sous-officiers et les officiers, également augmentés, ces mesures entraînent une dépense annuelle de 765 millions de francs à laquelle il faut ajouter le coût des médailles militaires, délivrées gratuitement depuis peu ou remboursées à ceux qui les avaient payées ou à leurs héritiers.AgricultureÀ part l’Hérault, les Hautes-Pyrénées et l’Aveyron, les résultats en blé et seigle entre 1917 et 1918 sont à la hausse dans les autres départements de la région. Et pour remplacer les fourrages et l’avoine, le service du Ravitaillement met à la disposition des agriculteurs un produit appelé "Provende mélassée", mélange de sons, de remoulages et de mélasse. Grâce à leur richesse en saccharose, en hydrates de carbone et à leur teneur en sucre de 23%, les aliments mélassés, peuvent remplacer, à poids égal, 3 ou 4 kg d’avoine. De plus, leur prix est de 53 F les 100 kg.Enfin, les vendanges se préparent et l’ouverture de la chasse est fixée au 1er septembre pour notre région. Si les militaires sont dispensés de permis, ils devront avoir l’autorisation des propriétaires pour chasser.RestrictionsLes experts en économie ont calculé qu’entre le premier trimestre de 1911 et le second de 1918, le prix de treize denrées (pain, viande, lard, beurre, œufs, lait, fromages, pommes de terre, haricots, sucre, huile, pétrole et alcool à brûler) a bondi de 132 %.Parce qu’il est difficile d’avoir du charbon, son coût augmente ce qui entraîne celui du gaz qui passe à 0,33 F le m3. Aussi, la société "Gaz et Electricité" toulousaine informe-t-elle qu’elle ne peut plus faire face, à partir du 24 août, à de nouvelle déclaration d’installation électrique ni de nouvelle demande de branchement."La fabrication du pain est suspendue, manque de farine" ces inscriptions sont portées sur l’écriteau fixé sur les devantures fermées des boulangeries de Saint-Gaudens. Le problème est général et les curistes d’Ax-les-Thermes s’en plaignent auprès du préfet. Lorsque ces commerces sont ouverts, les habitants sont mécontents car "depuis quelques temps ils doivent manger du pain d’une mixture infecte", du pain "dans lequel la farine est avariée, pourrie, les fèves fermentent, le tout assaisonné de résidus divers". Les autorités informent que les importations de blés et farines d’Amérique sont faibles, les stocks de 1917 presque épuisés et la récolte de blé de 1918 doit "servir à intensifier l’effort de guerre et notamment à amener en France les troupes qui sont encore à l’entraînement aux États-Unis". Parce que les quantités de farine sont faibles, les stocks de pâtes sont au plus bas.Les mécontentementsLes incidents se multiplient dans les commerces et sur les marchés car les denrées sont rares et leur prix réglementé n’est pas respecté. Par exemple, la récolte de pommes de terre bat son plein mais on n’en trouve pas car les wagons étant réservés en priorité au "ravitaillement des armées", elles ne sont pas transportées.Aussi les commerçants, attaqués, dénoncent-ils les négociants : par manque de viande de porc, le syndicat des charcutiers détaillants de Toulouse informe le public qu’il n’est pas en mesure de livrer des produits frais comme les saucisses et viandes. Celui des marchands bouchers de la même ville annonce que les prix imposés par le gouvernement ne sont pas rémunérateurs mais qu’il appliquera les arrêtés et décrets imposés. Plusieurs négociants de Montpellier dénoncent les lenteurs administratives en faisant constater par huissier l’état de centaines de milliers de kg de riz qui pourrissent actuellement sur les quais de Port-Vendres et de Cette. Réquisitionné et payé par l’État, ce riz impropre à la consommation est toujours gardé par de nombreuses sentinelles.À Gaillac, la distribution de pétrole reçu depuis 17 jours, attend que les bons permettant de l’acheter soient répartis dans les ménages.Certains contournent tout de même leurs obligations : des meuniers fournissent de la farine aux boulangers sans passer par le bureau permanent, des boulangers livrent le pain sans ticket et des restaurateurs le fournissent sans demander les tickets et en dépassant même les quantités allouées.Pour le sucre, l’arrondissement de Gaillac n’a encore rien reçu, le 18 août, des 23 000 kg mensuels. En juin, seulement 13 000 kg avaient été distribués, ainsi qu’en juillet alors que les autres arrondissements du Tarn ont eu leur part complète. Dans la Haute-Garonne, on peut avoir une ration supplémentaire de 250 g en présentant un certificat délivré par le médecin qui atteste une maladie chronique.Pour "aider le consommateur dans la défense de ses intérêts", les autorités créent un service spécialement chargé de contrôler les prix et l’observation des règlements en matière de ravitaillement. Mais chacun s’interroge sur son efficacité !MunicipalitésLes municipalités, faute de moyens, rencontrent de nombreuses difficultés dans la distribution d’eau : à Villefranche-de-Rouergue, l’eau est ouverte à 6 h 30 au lieu de 6 h, la nuit elle ne coule que pendant une heure, le jour elle est fréquemment coupée, ce qui incommode les habitants qui ne peuvent pas se laver ou en prendre avant de partir travailler. Le mécontentement grandit car la ville vient d’augmenter le prix des concessions : les robinets sur évier passent de 15 à 20 F, les abonnements forfaitaires de 30 à 40 F, ceux à 60 paieront 80 et ceux à 100 paieront 130 F.À Toulouse, la municipalité annonce fièrement qu’elle a distribué 31 000 m3 d’eau le 19 août mais qu’elle ne peut pas faire plus car "les difficultés d’argent, de main-d’œuvre, de matières premières, de transport […] ajournent l’exécution" de travaux. Le manque d’eau que dénoncent de nombreux Toulousains, est dû, selon la mairie aux abus, aux excès et au gaspillage : aussi décide-t-elle d’agir en la fermant, le 24 août, aux prises de quinze immeubles et, le 29 août, de six autres.La sécheresse sévit fortement cette année et de nombreux incendies se déclarent : celui du 21 août dans la forêt de Bouconne tombe au plus mal car 7 500 stères de bois de chauffage doivent être exploités et transportés à Toulouse. Dans cette ville, le feu prend même au tablier en bois qui constitue la chaussée du pont Saint-Pierre. Le tablier du pont Saint-Pierre est fait de planches de bois, fonds Trutat, © Archives municipales de Toulouse, 51Fi280 Et comme chaque année à pareille époque, de nombreuses noyades se multiplient aux points d’eau, près de la Poudrerie à Toulouse mais aussi à Montauban…Conséquence curieuse de la chaleur, Villefranche-de-Rouergue ferme son cinéma jusqu’au 1er septembre.Vie chèreÀ cause de la cherté de la vie et de l’accès difficile aux denrées de première nécessité, les mouvements sociaux sont de plus en plus nombreux : un grand meeting des fonctionnaires est en préparation à Toulouse pour demander le relèvement de l’indemnité du coût de la vie, le syndicat de l’arsenal et de la cartoucherie en organise également un pour les mêmes raisons. Les retraités des chemins de fer toulousains demandent à avoir droit eux-aussi à une augmentation de leur retraite ou une indemnité contre la vie chère.Même les infirmières militaires se plaignent : elles demandent un repos hebdomadaire et une indemnité de vie chère que ne veut pas leur donner le sous-secrétaire d’État à la santé au motif qu’elles sont logées et nourries.Enfin, comme ailleurs dans la région, les consommateurs de Saint-Gaudens se plaignent des accapareurs qui achètent au-dessus du prix réglementé avant le début des marchés, des produits qu’ils revendent ensuite avec de confortables bénéfices. Les clients font appel aux autorités pour que les contrôles soient plus efficaces.Enfin, comme ailleurs dans la région, les consommateurs de Saint-Gaudens se plaignent des accapareurs qui achètent au-dessus du prix réglementé avant le début des marchés, des produits qu’ils revendent ensuite avec de confortables bénéfices. Les clients font appel aux autorités pour que les contrôles soient plus efficaces. TItre Septembre 1918 Corps À cause des restrictions et des conditions de vie difficiles, les mouvements sociaux se multiplient dans tous les pays et incitent les gouvernements, confrontés également à l’épuisement des armées, à ouvrir des négociations. Si l’Allemagne propose une paix séparée à la Belgique qui la refuse, un de ses alliés, la Bulgarie, la demande officiellement aux Alliés.En France, le 4 septembre, est inauguré le service postal aérien régulier qui relie Nice à Ajaccio. Message écrit au crayon par Louis Léon Fabre à sa fille, Églantine, © Coll. privée, J. Bézard GrippeUne pandémie éclate : la grippe, abusivement appelée "grippe espagnole", est d’autant plus virulente qu’elle touche des populations affaiblies par les restrictions. Les États-Unis déclarent leurs premiers cas mortels et l’épidémie se propage en Allemagne, en Suisse, en Espagne, en Hollande, en France… sévit à Toulon mais également dans notre région, à Foix… "fait une nouvelle victime" à Tarascon-sur-Ariège.L’Express du Midi informe ses lecteurs que la grippe "ayant fortement réduit le nombre de [ses] ouvriers", le journal ne paraîtra les jours suivants que sur deux pages. Décès dus à la grippe à Toulouse, thèse de médecine soutenue par Paul Alquier en 2017, © thesesante.ups-tlse.fr AgricultureSeptembre étant le mois des vendanges, les compagnies de chemin de fer proposent, comme chaque année, des transports à demi-tarif aux groupes de 5 vendangeurs minimum. Il faut, de plus, que le parcours, certifié par le maire, soit au moins de 100 km aller-retour et qu’il soit effectué entre le 1er septembre et le 15 novembre.Les autorités rappellent les salaires des vendangeurs, de 7 à 9 F, et des porteurs, de 10 à 15 F, le vin étant à la discrétion des propriétaires. Ces derniers devront déclarer avant le 15 novembre la superficie des vignes qu’ils possèdent, le volume ou le poids de leur récolte et la quantité de moût qu’ils auront expédié ou reçu.ArméeLes jeunes Gaillacois de la classe 1920 ont passé les opérations du conseil de révision et la censure ne permet pas de donner le nombre de "déclarés bons" et des autres catégories. C’est cette censure que contournent parfois les militaires comme Louis Léon Fabre, originaire de Castres, soldat au 10e régiment d’artillerie. Convoyeur militaire, il parcourt la France et le Maroc. Sa famille est informée de ses déplacements grâce aux cartes postales qu’il envoie des lieux où il fait une halte.RavitaillementLe gouvernement, arguant les difficultés de la soudure entre les récoltes de 1917 et de 1918, prend de nouvelles mesures de restrictions. Par exemple, il rend obligatoire le repas à prix fixe et tous les restaurateurs doivent en afficher le menu et le tarif, "bien en vue". Le ministre du Ravitaillement incite au développement de restaurants corporatifs et crée une usine centrale pour ravitailler les soldats au front.À la fin du mois, de nouvelles cartes d’alimentation sont distribuées pour le dernier trimestre 1918 : le coupon n°1 sert au pain, le n°2 au sucre, le 3 au pétrole le 4 aux pâtes alimentaires, le 5 au charbon et le 6 au bois de chauffage. Le coupon n°1 est détaché en mairie au moment de la remise des feuilles comportant les tickets de pain et pour le bois et le charbon, les règles suivantes sont établies : de 1 à 3 personnes on a 3 parts, de 4 à 5, 4 parts de 6 à 7, 5 parts et de 8 à 10, 6 parts.Les cartes d’alimentation n’assurent pas de recevoir les quantités réglementées : le sucre manque à Villefranche-de-Rouergue et les 38 épiciers locaux, qui subissent quotidiennement les mécontents, informent qu’ils n’en sont pas responsables tout comme à Gaillac : faute d’arrivage, les distributions tombent en septembre à 250 g sauf pour les enfants et les malades. Dans cette ville, le coupon de charbon représente 5 kg et à Toulouse 10.On ne trouve plus une boîte d’allumettes à Foix car les arrivages sont aléatoires. Mais, lorsque, à la grande surprise des autorités locales, 620 kg de pâtes alimentaires arrivent, ils sont aussitôt distribués à raison d’un paquet de 250 g par ménage et en échange du coupon n°4 pour 0,70 F. Commande de riz et pâtes, © Archives départementales du Gers MunicipalitésÀ la poudrerie de Toulouse, un nouveau pont dit "Pont mixte d’Empalot" vient d’ouvrir à la circulation. Parallèle à la voie ferrée Toulouse-Bayonne, il relie la route de Toulouse à la Croix-Falgarde avec la route nationale 20. C’est le deuxième pont depuis celui ouvert en 1916 à cet endroit.C’est également grâce au développement d’une usine, celle de Pamiers, qu’une enquête d’utilité publique est lancée pour créer une voie ferrée reliant cette ville à une carrière à Saint-Jean-de-Verges. Une deuxième enquête concerne l’établissement d’une voie ferrée à traction animale entre la carrière de Crampagna et les fours à chaux de l’usine de ce village ariégeois.La capitale régionale informe qu’en raison des besoins de l’armée, elle cesse, comme de nombreuses villes, la distribution de la viande congelée à partir du 8 septembre. Elle rappelle que 138 000 kg de viande congelée ont été vendus sur les étals toulousains à un prix inférieur à la viande fraîche ce qui a fait faire des économies aux consommateurs. Le bénéficie de l’opération doit être réparti entre l’œuvre municipale des orphelins de guerre et les œuvres de guerre de la préfecture.Le long du canal du Midi, les riverains se plaignent des abords car suite au nettoyage des berges, les détritus ont été déposés et ne sont pas retirés alors qu’ils se décomposent en pleine chaleur.Enfin, dans les villes viticoles, les maires alertés par de nombreux vols de raisins, considérant que "le grappillage n’est qu’un prétexte au maraudage" l’interdisent, la plupart jusqu’au 9 novembre. Vue du pont détruit, à Pont-Sainte-Maxence, carte postale envoyée par Louis Léon Fabre à sa fille, Églantine, © Coll. privée, J. Bézard TransportsLes véhicules à moteur, faute d’essence, ne peuvent plus être utilisés. Aussi les transports à cheval sont-ils recherchés : les Postes, Télégraphe, Téléphone demandent "une personne disposant d’un cheval et d’une voiture" pour apporter les dépêches et les municipalités, des rouliers avec charrettes pour transporter du bois. Car les trains affrétés par la "compagnie des chemins du Midi ont des retards considérables et fréquents". Selon l’entreprise, ils seraient dus à l’obligation de laisser passer les troupes et le matériel pour le front : elle conseille à ses clients de réserver leurs places en prévision de l’affluence en période de rentrée. De plus, les wagons étant réquisitionnés par l’armée, il en reste peu pour l’activité économique comme s’en plaignent les boulangers de la région qui ne peuvent plus recevoir de bois pour chauffer leurs fours même "en payant un prix élevé".Vie chèreLe 5 septembre, les cantonniers de Foix se mettent en grève car ils demandent l’augmentation de leur salaire de 2,50 F par jour. Les immondices encombrent les rues et une semaine plus tard, une équipe de soldats les nettoie.À Toulouse, la municipalité est plus généreuse et l’union des groupements du personnel municipal (octroi, police, travailleurs et employés municipaux) la remercie de leur avoir accordé 3 F par jour d’indemnité de vie chère. Mais elle réclame un nouvel effort, considérant l’augmentation du coût de la vie depuis la demande faite au mois de mai.Face aux mouvements de foule de plus en plus nombreux et violents, les autorités interviennent autant que faire se peut : pour contrer les spéculateurs, le préfet de la Haute-Garonne réglemente le prix de la douzaine d’œufs à 2,50 F et le maire de Gaillac envisage de les réquisitionner sur le marché au prix officiel et de les vendre au même prix pour les familles de la commune. Il veut éviter les abus, les discussions pénibles entre consommateurs et vendeurs qui finissent de plus en plus.Au niveau national une commission contre la vie chère est créée mais les sceptiques souhaitent plutôt une loi, des réquisitions, des taxations, des perquisitions, des arrestations… TItre Octobre 1918 Corps Les événements internationaux se bousculent en ce mois d’octobre et annoncent une fin de conflit que tout le monde espère proche. Carte postale annonçant la victoire, © Collection privée, P. Roques En France, plusieurs faits importants se déroulent : la grippe est virulente, un nouveau billet de 5 F apparaît, le changement d’heure est effectif dans la nuit du 5 au 6 octobre et le quatrième emprunt de la défense nationale est lancé. On apprend le 4 octobre la mort de Roland Garros abattu en plein vol près de Saint-Morel.Événements internationauxLe nouveau gouvernement allemand demande le 3 octobre l’armistice aux États-Unis et les empires centraux et la Turquie acceptent les "quatorze points de Wilson". Mais les Alliés refusent tout armistice tant que les territoires envahis sont occupés.Pendant ce temps, la Tchécoslovaquie proclame la république, la Hongrie son indépendance, les Slovènes, Croates et Serbes annoncent leur séparation avec l'Autriche qui sollicite le 29 octobre une paix séparée alors que le 30, la marine allemande se mutine à Kiel, prémices d’une révolution dans ce pays.GrippeEn France, la grippe fait plus de 1 000 morts dans la première semaine d’octobre. Jusqu’à ces derniers temps, notre région semblait épargnée mais à Gaillac tout comme à Villefranche-de-Rouergue "les cas sont très nombreux dans la ville, les médecins sont débordés et il n’y a pour l’instant que peu de décès". À la fin du mois, les municipalités reconnaissent tout de même un nombre de victimes élevé. La grippe touche tous les départements et la mortalité est "particulièrement importante chez les ouvriers employés au Transpyrénéen", à Ax-les-Thermes.Face à cette pandémie, les autorités ne peuvent que prodiguer les conseils suivants : bien se laver les mains, éviter les transports en commun, les réunions et les lieux publics tels que les cafés, théâtres, cinémas. Comme le virus est fortement contagieux, il faut isoler les malades et, pour éviter l’encombrement des services, "évacuer les convalescents".À Toulouse, la mairie rappelle qu’il est interdit de cracher dans les locaux publics et privés, dans les tramways ou dans les voitures. La société de tramways, qui craint une baisse de fréquentation, informe aussitôt le public qu’elle désinfecte régulièrement ses voitures.L’épidémie perturbe les réunions sportives et les préfets décident, sur les rapports alarmants des médecins, de fermer les écoles primaires et élémentaires du 21 octobre au début novembre. Autre conséquence, en raison du nombre d’agents malades et des nécessités militaires, de nombreux trains sont supprimés.Mais la mesure qui mécontente les Toulousains est celle prise par leur maire le 25 octobre : il interdit les convois funéraires et oblige le transport de corps par fourgons directement du lieu de décès aux cimetières où seront les familles. Les décès doivent être déclarés dans les plus brefs délais pour éviter tout retard dans l’inhumation. Cinq ou six cercueils sont alors transportés en même temps et la mesure soulève de nombreuses protestations car les familles sont attachées aux rites funéraires et au passage par l’église. Le maire n’en démord pas, rend compte du sous-effectif des pompes funèbres municipales et, face aux inhumations "dont le nombre sans être alarmant demeure sensiblement au-dessus de la moyenne", ne retire pas son arrêté qui impose ce "régime provisoire".EmpruntLa nouvelle coupure de 5 francs, un billet mauve, comporte au recto deux médaillons une tête de jeune guerrier et une femme casquée représentant la France. Le verso symbolise le commerce maritime avec un robuste débardeur et un navire marchand. Billet de 5 F, recto, © Wikipedia.fr Billet de 5 F, verso, © Wikipedia.fr La souscription au quatrième emprunt de la défense nationale dit "de la Libération", est ouverte du 20 octobre au 24 novembre. Exempt d’impôt, son prix d’émission est de 70,80 F au "revenu réel" de 5,65%. Aussitôt l’Église de France lance un appel en sa faveur. Des manifestations sont également organisées comme à Foix le 20 octobre où il est donné lecture de l’appel des maires de France, les élèves des écoles publiques exécutent des chœurs patriotiques. Dans d’autres villes, une fête artistique est donnée, les troupes sont passées en revue, les citations brillantes sont lues… Dans le cadre de la propagande pour favoriser l’emprunt, un sous-marin français est amarré au quai de la Seine à Paris et des avions survolent à basse altitude les principales villes françaises. Lors de cette "journée des As", le 28 octobre, les pilotes lancent des tracts et des papillons sur Castelnaudary, Carcassonne, Pamiers, Foix, Muret, Saint-Gaudens, Montauban, Toulouse et les villes se trouvant dans la vallée de la Garonne entre Bordeaux et Toulouse.Les souscriptions qui se font auprès des habituels agents économiques et des notaires sont étendues à la presse et aux sociétés et diverses associations agricoles. Carte postale incitant à souscrire à l’emprunt, © Collection privée, P. Roques RestrictionsLes restrictions sont de plus en plus dures, Gaillac ne peut plus distribuer que 10 kg de charbon par famille, de quoi faire du feu une journée en octobre et un coupon toulousain ne représente que 5 kg seulement. De plus, la qualité n’y est pas car "30% de pierres composent le dernier wagon reçu".Pour le lait, les prix réglementés font de nombreux mécontents car pour un même département, l’Ariège, ils fluctuent de 0,55 F le litre à Foix à 0,50 à Pamiers et Lavelanet, 0,45 pour Mirepoix et Saverdun, 0,40 pour Saint-Girons et Tarascon et 0,35 partout ailleurs.À Toulouse, la mairie doit répartir 1 700 kg de sucre aux 1 100 viticulteurs locaux et à Villefranche-de-Rouergue les quantités d’août et de septembre "sont encore à Bordeaux alors qu’elles devraient être à Toulouse mais le canal est à sec !".La crise dans l’élevage de porcs, due à la pénurie de céréales et pommes de terre, incite le gouvernement à interdire la vente et la consommation de la viande les mercredis, jeudis et vendredis de chaque semaine.Face au mécontentement, le ministre du Ravitaillement augmente les rations de pain de 100 g pour toutes les catégories sauf pour celles qui en ont le maximum, soit 500 g. Et pour faire cesser les trafics de tickets de pain, Toulouse informe qu’ils ne sont plus remplacés en cas de perte.MunicipalitésLe 4 juillet 1918, Toulouse prenait la décision de renommer la place Lafayette en "place du Président Wilson" ce qui est fait vers le 16 octobre. La même décision était prise le 17 septembre par Auch : la rue d’Étigny porte depuis le nom de la rue du "Président Wilson".Dans la capitale régionale, une station de mécanique agricole vient d’être créée : située 45, rue des Récollets elle a pour but de former des conducteurs de tracteurs et autres machines agricoles et des ouvriers mécaniciens ruraux, techniciens indispensables au développement de l’agriculture.Mais les Toulousains se plaignent toujours du manque d’eau et la rue des Champs-Élysées devient emblématique car elle n’en reçoit plus depuis avril entre 8 h à 21 h. Le service des Eaux de la ville promet une rapide réparation. Dans l'attente, les mécontentements dénoncent l’illumination du Capitole décidée par les autorités locales pour fêter la reconquête de Lille, Roubaix, Tourcoing, Douai, Bruges et Ostende.Vie chèreL’augmentation du coût de la vie est générale dans tous les domaines, l’industrie et le commerce, à la ville comme à la campagne : avant-guerre 2 kg de pommes de terre étaient à 0,25 F et ils sont à 1,40 F. Sur les marchés aveyronnais, même "les châtaignes et les noix atteignent des cours jusqu’ici inconnus".Aussi le conseil général de la Haute-Garonne verse-t-il une indemnité de vie chère à ses cantonniers, de l’ordre de 100 F par an, plus 40 F par enfant de moins de 16 ans.L’État annonce enfin la réalisation du "vêtement national" car trois millions de draps vont parvenir d’Angleterre. Les Anglais l’ont déjà et les Italiens vont suivre notre exemple. Il y aura des vêtements pour les hommes, les femmes et les enfants et les autorités souhaitent "qu’à la fin de la guerre tout militaire puisse retrouver un vêtement civil à des prix abordables". Parce qu’il est difficile d’habiller tout un chacun en même temps, une carte d’habillement sera établie. Roland Garros en 1910 devant un avion Demoiselle, Photographie de presse de l'agence Meurisse © Gallica.bnf.fr TItre Novembre 1918 Corps Le 11 novembre 1918, l’armistice est signé pour une durée de 36 jours, renouvelables, entre les Alliés et l’Allemagne et à la fin du mois, la France récupère l’Alsace et la Lorraine.Les mouvements sociaux, parfois insurrectionnels, éclatent dans de nombreux pays et aboutissent souvent à des changements de régime comme en Allemagne, en Hongrie... Carte postale « La Lorraine est française », © Collection privée, P. Roques Évènements internationauxLes Français apprennent la capitulation de la Turquie suivie de l’armistice signée avec l’Autriche le 3 novembre. Puis, suite aux insurrections qui enflamment le pays, le kaiser Guillaume II abdique et la république allemande est proclamée le 9 novembre. Le même jour, les journaux annoncent des négociations au quartier général du maréchal Foch avec "des délégués allemands" : l’armistice est signé avec l’Allemagne le 11 novembre à Rethondes.Entre-temps, le 7, la Roumanie reprend le combat contre les troupes allemandes. La Hongrie proclame ensuite, le 16 novembre, la république et la Lettonie déclare son indépendance.Enfin, le 23 novembre, le gouvernement belge retourne à Bruxelles.11 novembreL'information"Pavoisez immédiatement, faites illuminer ce soir les édifices publics, faites sonner les cloches à pleine volée et prenez toutes dispositions avec les autorités militaires pour que les salves soient tirées afin de porter à la connaissance des populations la signature de l’armistice." Ce télégramme est envoyé par le ministre de l’Intérieur le 11 novembre 1918 aux préfets qui le diffusent aux mairies. Les journaux étaient officieusement informés dès 9 h de l’armistice signé à 5 h 15. Aussi, publient-ils dès 11 h 30, une demi-heure après le cessez-le-feu, l’information officielle. Extrait porté à l’encre rouge, du registre de délibérations de Péreille du 18 novembre 1918, © Archives départementales de l’Ariège Les réactionsAussitôt la nouvelle connue, des groupes se forment dans les villes et les villages. Montpellier est parcourue de cortèges ainsi que Narbonne, Perpignan… Des bombes et des pétards détonnent à Béziers et une nouba, musique à base d’instruments traditionnels, "vivement applaudie", est donnée par les tirailleurs sénégalais sur la place du Théâtre.À midi l’Augustine et les autres cloches des églises toulousaines sonnent, et comme partout en France, les maisons sont pavoisées, des groupes acclament les poilus et les soldats des autres nations, quelques-uns vont aux cimetières honorer les morts. Puis "d’immenses cortèges sillonnent les rues" jusqu’à la nuit,Gaillac pavoise ses maisons, les drapeaux français et alliées ornent les fenêtres et à 20 h, les édifices publics illuminés, commence la retraite aux lanternes : le cortège avec musique en tête parcourt la ville et les feux de Bengale éclairent la place principale. Ici aussi, les bombes détonnent.La foule se presse à midi devant la sous-préfecture de Villefranche-de-Rouergue et on s’embrasse, les cloches sonnent, la ville se couvre de drapeaux, des cortèges ici aussi la parcourent. Le soir une retraite au flambeau est organisée, en tête les blessés puis les musiciens et la foule. Le cortège va à la sous-préfecture puis au monument des combattants. Les cafés restent exceptionnellement ouverts pendant toute la soirée. Place de l'Opéra et rue de la Paix à Paris, le jour de l'armistice du 11 novembre 1918, Agence Rol, © Gallica.bnf.fr Les jours suivantsLe lundi 11 novembre, le ministre de l’Instruction publique donne congé aux écoles l’après-midi et la journée du 12. Les manifestations se succèdent alors : un concert est donné à Montpellier sur l’Esplanade par la musique de la garnison "en l’honneur de la victoire" et à Béziers, plusieurs milliers de personnes se regroupent à 20 h sur les allées Paul Riquet.À Toulouse, un cortège formé des autorités, des anciens combattants des sociétés civiles et religieuses, des ouvriers, des étudiants… se rend le 17 novembre au cimetière de Terre-Cabade, déposer une couronne au monument du Souvenir français. Un grand concert populaire et patriotique est donné trois jours plus tard à la place du Capitole.Un film tourné par M. Masquet, directeur des établissements Pathé, rend compte de la journée du 11 novembre fêté à Toulouse. M. Criq est l’opérateur et le film passe au cinéma l’Apollon. "Voilà qui va servir grandement à rappeler à nos arrière-petits-enfants les heures historiques" dit un spectateur.Les blessés ne sont pas oubliés car, comme à l’hôpital de Villefranche-de-Rouergue, "pour fêter dignement la victoire" l’ordinaire est amélioré grâce à des dons dont un sanglier. Le "Te Deum" retentit à la Collégiale Notre-Dame.Enfin, le général Pétain est élevé à la dignité de maréchal de France par décret du 21 novembre 1918. Coupable d'indignité nationale pour son rôle au cours de la Seconde Guerre mondiale, il sera condamné le 15 août 1945 à la dégradation nationale. Philippe Pétain en 1918, © Commons.Wikimedia.org AgricultureLes autorités rappellent que les mobilisés agricoles sont d’abord à la disposition des veuves, des femmes et des mères de cultivateurs et ensuite des cultivateurs manquant de main d’œuvre. Elles proposent par ailleurs d’aider, par des avances sans intérêt, les ouvriers agricoles, maîtres-valets et chefs de culture qui souhaitent s’installer pour "reprendre des fermes et mettre en culture des terres abandonnées ou négligées".GrippeUne grande majorité de la population ne suit pas les conseils contre la grippe car "trop de personnes pénètrent dans les chambres des malades". Aussi, les médecins rappellent-ils les consignes car l’épidémie n’est pas terminée : le préfet du Tarn prolonge la fermeture des écoles jusqu’au 11 novembre, celui de l’Aveyron jusqu’au 21. Ils décident de fermer les cafés de 7 à 11 h, de 14 à 17 h et à partir de 20 h au lieu de 21 h 30.Par ailleurs, le ministre de la Guerre annonce que les militaires morts de la grippe sont considérés comme morts en service ce qui est très important pour leurs veuves qui auront ainsi droit à une pension militaire.RestrictionsL’armistice ne met pas fin aux restrictions. Les nouvelles cartes d’alimentation pour 1919 sont établies pour une durée de six mois et pour dix produits différents. Les distributions de saccharine aux limonadiers, hôteliers et restaurateurs continuent, à Toulouse la municipalité procède le 29 à la vente d’œufs réquisitionnés et le lait, le beurre, les fromages et les pommes de terre sont toujours à des prix réglementés.Les habitants se plaignent toujours de la mauvaise qualité de charbon qu’ils reçoivent, de la "pierre noire" au pouvoir calorifique faible et les autorités annoncent qu’il sera délivré en décembre aux mêmes conditions qu’en novembre.MunicipalitésLe mois de novembre débute avec l’habituelle fête de la Toussaint et la visite aux cimetières.À Toulouse, un cortège formé des autorités civiles et militaires, des anciens combattants et d’une nombreuse foule fleurit les tombes des soldats.Mais en ce mois de novembre 1918, les Toulousains protestent encore contre les convois funéraires. L’un d’eux raconte que les employés d’un des convois, pour charger un huitième cercueil, ont déposé les sept précédents sur le trottoir ce qui a choqué nombre de personnes. Face à l’opposition de la population, le maire retire sa décision le 14 novembre. Les plaintes concernent également l’insuffisance de l’éclairage public. Elles s’atténuent lorsque le préfet suspend son arrêté relatif aux restrictions de l’éclairage public et privé.Enfin, Gaillac propose que l’avenue de la gare soit dénommée "avenue Clémenceau", que le square de la gare soit le "square Joffre" et l’avenue Villenouvelle, "l’avenue Foch".Vers la paix…L’armistice signé, "les innombrables usines de guerre qui ont fait de Toulouse une grande cité industrielle, arrêtent ou réduisent considérablement leurs fabrications" : le 19 novembre, l’arsenal et la poudrerie cessent le travail de nuit et cette dernière met sa "blanchisserie mécanique moderne" à la disposition des besoins publics. Elle propose aux agriculteurs "d’importantes quantités d’engrais chimique" qu’elle vend à bas prix.Nos alliés prennent également de telles mesures car les économistes français estiment à près d’un million les ouvriers déjà licenciées des usines anglaises.Face à ces débuts de reconversions, les habitants de la région demandent que les stocks de charbon des usines de guerre, qui seront maintenant inutilisés, leur soient rapidement distribués. Ils souhaitent également le développement de l’électricité maintenant disponible pour pallier le manque de charbon et de gaz.Enfin, les journaux sollicitent la suppression de la censure arguant l’armistice et le fait qu’elle n’est imposée qu’aux Français alors que les étrangers, de plus en plus nombreux, peuvent rendre compte librement du conflit.Les réfugiés et retoursLes réfugiés du Sud-Ouest retournent dans les départements du nord et les Français du nord emmenés par les Allemands en Belgique, reviennent à pied chez eux. Dans notre région, les premiers prisonniers arrivent le 23 novembre, en plus grand nombre à partir du 29, au moment où on voit arriver les premiers internés. Signataires de l’armistice dans le wagon situé dans la clairière de Rethondes. Livre d’or de François Escaich, © Archives municipales de La Bastide-de-Sérou